Vous dites : “Traverser les frontières ?” par Pierre Assouline

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Le pouvoir du langage cinématographique d’un réalisateur talentueux est universel. Les Stars des festivals sont les réalisateurs. Les festivals attendent le prochain Tarantino, le prochain Terrence Malick, le prochain Takeshi Kitano…

Ces dernières quinze années, de nouvelles générations de réalisateurs en provenance du Japon, de la Corée, de la Chine, de la Thaïlande, ont vu leurs films envahir les festivals et les écrans de tous les continents. Ces films sans compromis, tournés dans leur langue locale originale, sont la preuve qu’aucun film ne franchit mieux les frontières qu’en étant enraciné dans sa propre culture.

Nous sommes à l’aube d’un phénomène similaire en provenance de l’Inde.

Depuis quelques années des films aussi divers que remarquables ont été réalisés sans pour autant trouver les soutiens privés ou institutionnels nécessaires à leur exposition en Europe ou plus généralement à l’International. Ceci est en train de changer.

Quelle émotion quand en 2004, j’ai découvert un premier montage de Black Friday d’Anurag Kashyap dans une salle du marché de Cannes à moitié vide. Pour moi ce fut le signe évident qu’ une nouvelle vague du Cinéma Indien tentait timidement sa percée.

Et plus tard, du même Anurag Kashyap, le créatif et audacieux No Smoking, distribué à tort en Inde comme un film commercial. Suivirent Dev D., et encore mieux Gulaal, jusqu’ à la sensation de la dernière Quinzaine 2012, les Gangs de Wasseypur. de Sudhir Mishra, Hazaaron Khwaishein Aisi est tout aussi fascinant que Nos Meilleures Années, l’épopée culte italienne qui enfiévra l’Europe. Le sensible Little Zizou de Soni Taraporewala captive notre mémoire comme le meilleur de l’âge d’or du cinéma italien. Luck by Chance de Zoya Akthar, si plein d’esprit féminin, est tout aussi avant-garde que le Marie Antoinette de Sofia Coppola. Kahaani de Sujoy Ghosh manie l’art du thriller intelligent n’ayant rien a envier à un Christopher Nolan. Les comédies comme Mythia de Rajat Kapoor ou Atithi Tum Kab Jaoge de Ashwani Dhir sont aussi exubérantes et hilarantes que celles d’un Sacha Baron Cohen.

C’est avec passion que je contribue à faire découvrir ces films et bien d’autres perles insoupçonnées aux spectateurs du festival Extravagant India !

Pierre Assouline